FATIMA CIA, LE PIONNIER DU HIP HOP EN RDC VEUT RAGAGNER SON TERRAIN AVEC UN NOUVEL OPUS NDUNGU ZI TENDE

Fatima C.I.A est l’un de seuls premiers groupes qui a su ramener et imposer à Kinshasa l’influence du mouvement hip hop dont un grand écho retentissait depuis les Etats-Unis d’Amérique comme en France vers les années 1980 et 1990. Aux yeux du grand public congolais, Fatima C.I.A passe donc pour le précurseur de cette tendance hip hop avec une note beaucoup plus originale sur laquelle se fusionnait les rythmes traditionnels de la rumba congolaise et le style rap. Au départ, le groupe Fatima C.I.A avait compris dans sa formation plusieurs membres ; mais aujourd’hui, il n’y en a plus que deux qui sont, au-delà de la passion de cet art qu’ils ont en commun, liés par le sang.
Ce sont donc deux frères issus de la même famille, B Flash et Didi qui continuent à suivre la vision qu’ils ont tracée pour le groupe. Le nom Fatima vient de l’appellation du quartier de la commune de la Gombe où ils ont grandi ; et le C.I.A ici n’est pas à confondre avec l’agence de renseignement de services de sécurité américaine. Pour le cas du groupe Fatima, cela signifie tout simplement « Class Intellect Afro ». Le groupe Fatima C.I.A a marqué son temps mais aussi le public congolais avec le célèbre titre « ON S’EN FOUT » qui est une composition inspirée de la chanson Mamou du grand artiste Franco Luambo Makiadi. Après une certaine disparition du terrain notamment à Kinshasa d’où est partie leur carrière, les membres de Fatima C.I.A ont multiplié les allées et venues entre Paris où ils résident et la ville capitale de la RDC en vue de reconquérir leur public auquel ils manquent. De retour à Kinshasa pour assurer la promotion de leur dernier album Ndungu Zi Tende, dont la traduction en français signifie piquer comme un piment, les membres de Fatima C.I.A ont rendu visite à Voilà Night, le site d’information sur les showbiz congolais, et voici leur interview :
Voilà night : Bonjour Fatima C.I.A. Nous sommes heureux de vous accueillir à Voilà Night. Quand on vous voit, du coup on pense à votre célèbre chanson ‘’On s’en fout’’. Quelle est la petite histoire autour de la réalisation de ce morceau ?
Fatima C.I.A : merci de votre accueil. Fatima C.I.A existe depuis les années 1991. Donc, si on calcule bien, nous en sommes à notre 23ème année d’existence en tant que groupe. Notre histoire ne commence pas qu’avec la chanson ‘’On s’en fout’’ ; bien avant, nous avons réalisé pas mal de morceaux. Il y a eu de titres comme septembre noir qui n’avait malheureusement pas percé toutes les couches de la population tellement que c’était totalement rap et composé exclusivement en français. Là, le mouvement n’avait pas encore une place dans le paysage culturel du pays ; donc, ces genres de chansons ne sont restés que dans certains milieux tels que Gombe, Ngaliema et autres. Et quand nous avons réalisé la chanson ‘’On s’en fout’’, c’est là que le public kinois nous a adopté puisqu’ils nous connaissaient déjà. Nous avons dû adapter le hip hop à la manière de chez nous en travaillant sur une reprise de la chanson Mamou de Franco et avec du lingala, c’a donné quelque chose de facilement acceptable.
Voilà night : quels souvenirs vous gardez de l’époque de cette chanson parce qu’on doit le reconnaitre, le titre a fait tabac ?
Fatima C.I.A : Nous avons des grands souvenirs, et là d’ailleurs, je ne parle que de l’époque où la chanson cartonnait. Maintenant, chaque fois qu’on arrive quelque part et l’on rencontre du monde ici à Kinshasa, les gens se mettent à chanter ‘’On s’en fout’’ ; et cela plus de 15 ans après l’époque de la sortie du morceau. Pour nous, c’est très touchant. Nous avons compris que nous avions fait un tube mais malheureusement, comme ça se fait dans d’autres pays avec les sociétés de gestion des droits d’auteurs notamment la SACEM, chez nous il y avait la SONEKA maintenant on parle de la SOCODA, nous devions toucher nos royalties mais bon…ce n’est pas le cas. Vous voyez aujourd’hui des pays comme le Nigeria par exemple, a des industries de cinéma qui engendrent de recettes beaucoup plus que l’exploitation de leurs matières premières notamment ; vous voyez. C’est un tout petit peu ça le regret que nous avons par à certaines mentalités de notre pays qui font croire que la musique ou les artistes ne sont pas grand-chose. A mon sens, un artiste donne beaucoup, et nous n’avons pas besoin de citer les noms de gens pour qu’en retour, nous puissions nous retrouver dans ce qu’on fait. La musique est un métier noble. Côté positif, le succès de la chanson ‘’On s’en fout’’ nous a rapporté des connaissances avec beaucoup d’ouverture des portes.
Voilà night : Fatima C.I.A est l’un de groupes de musique le plus fidèle. On retrouve toujours les deux têtes d’affiches. A quoi est due cette fidélité ? Puisque même les Jackson Five se sont séparés après un certain temps.
Fatima C.I.A : Didi, c’est mon petit frère. Nous avons un même père et une même mère. Il y a des moments où l’on ne se comprend pas puisque moi j’ai ma façon de voir les choses qui ne correspond pas toujours avec sa façon à lui de voir les choses. Mais nous essayons toujours de trouver le juste milieu pour arranger les choses.
Voilà night : Juste après le succès du morceau ‘’On s’en fout’’, un silence se fait sur Fatima C.I.A. Apres des recherches, nous nous sommes rendus compte que le groupe est allé résider en France. Mais pendant ce temps mort, qu’était devenu le groupe ?
Fatima C.I.A : A notre arrivée en Europe, nous étions toujours dans la musique. C’est notre boulot, c’est notre passion ; c’est ce qu’on sait faire le mieux. On a sorti des albums mais avant, nous avions fait un single sur ‘’On s’en fout’’, la version remixée. Un monsieur là-bas avait plagié la chanson et ça fait naitre un tas de problèmes là-bas. Après tout ça, nous avions sorti des albums tels qu’Epaka Mobulu, Dégât et là maintenant, nous faisons la promotion de l’album Ndungu Zi Tende qu’on vient de lancer. Cette impression du vide ici à Kinshasa peut s’expliquer par le fait que la promotion de tous les autres albums que nous avons produits depuis Paris n’ait pas pu être assurée dans le pays parce que, comme vous le savez, si l’auteur d’une œuvre n’est pas sur place à Kinshasa, il y a très peu voire même pas du tout de communication sur lui.
Voilà night : Vous dites être venus faire la promotion de votre actuel album « Ndungu Zi Tende » ; vous avez toujours de titres un peu plus compliqués. Quelle est la signification du nom de cet album ?
Fatima C.I.A : « Ndungu Zi Tende » veut dire un petit piment qui pique.
Voilà night : D’où est venue cette inspiration ?
Fatima C.I.A : Déjà mon studio d’enregistrement s’appelle Ndungu Zi Tende. C’est petit mais costaud. Aussi, par la chanson Ndungu Zi Tende, nous pensons apporter notre expérience après toutes cette année qu’on a évolué dans ce mouvement hip hop.
Voilà night : Vous vous identifiez comme les pionniers de ce mouvement hip hop à Kinshasa ; aujourd’hui, après toutes les expériences que vous avez acquises en faisant cet art, quand vous observer la culture hip hop dans la ville de Kinshasa, quelles sont vos impressions ? Pensez-vous que le hip hop évolue comme il se devait ?
Fatima C.I.A : il y a actuellement plein de groupes dans ce courant du mouvement hip hop, ça dépasse même le nombre de groupes qui font la musique typiquement connue au Congo. Mais si je dois dire les choses telles que je les voie, je pense que le rap est en baisse. Quand on a commencé ce mouvement ici à Kinshasa, nous nous sommes sérieusement battus pour nous tailler une place dans le milieu des artistes qui nous considéraient comme des petits rêveurs qui passent leur temps à regarder MTV. Nous avions tout fait pour nettoyer tout ça en inspirant le respect par notre approche du rap comme style de musique. Et les choses se s’étaient bousculées. Aujourd’hui, c’est un peu comme un départ à zéro. Les rappeurs n’ont pas des structures dans lesquelles ils peuvent évoluer, il n’y a pas de maisons de disque et pas de mécènes non plus. Pourtant, cette musique a beaucoup des mélomanes aujourd’hui.
Voilà night : Maintenant que vous êtes revenus, que comptez-vous faire pour changer cette situation ?
Fatima C.I.A : Nous avons tellement d’expérience à partager avec les autres artistes d’ici qui évoluent dans ce courant de musique hip hop. Nous avons un studio d’enregistrement en France que nous allons d’ailleurs ramener ici à Kinshasa. Nous pensons produire des artistes, accompagner et encadrer ceux qui le voudraient ; notamment les jeunes talents compte tenu du savoir-faire que nous avons bien affermi avec nos 25 années d’expériences.
Voilà night : Avez-vous un message particulier à passer pour finir ?
Fatima C.I.A : Fatima C.I.A, c’est un patrimoine national de la République Démocratique du Congo. Ç ‘appartient à toutes les congolaises et à tous les congolais. Nous avons ramené un nouvel album intitulé Ndungu Zi Tende. Prenez le temps de l’écouter, c’est du bon son. Tout est réalisé par nos soins ; de la composition à la prise de son jusqu’à la réalisation de clips, c’est moi et Didi qui avons tout fait. Donc, c’est du cent pour cent congolais.
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